L’environnementaliste Liz Cunningham est l’auteure du livre primé* Ocean country. Au travers de ses livres, Liz souhaite transmettre l’envie de se mobiliser pour construire un avenir durable.
Quand avez-vous ressenti pour la première fois une profonde connexion avec l’Océan ?
J’avais 8 ou 9 ans, je me promenais avec ma grand-mère en bord de mer – dans le Maine, sur la côte Est des États-Unis. Nous avons marché sur la plage et ramassé des algues, des coquillages et des petits crabes. Je les ai ramenés à l’hôtel et je les ai mis dans le lavabo de la salle de bain. Ma grand-mère a rempli le lavabo d’eau et m’a dit : « C’est un écosystème. » Elle était horticultrice, sa plus grande héroïne était Maria Sibylla Merian, une des premières écologistes de terrain.
C’était la première fois que je ressentais que l’Océan était la maison de différentes créatures, un endroit interconnecté. C’était un moment tout simplement incroyable. J’ai tout de suite réalisé que cet immense et magnifique espace, l’Océan, était un énorme lavabo rempli d’organismes vivants.
Quel a été le moment le plus fort pour vous, dans cette relation avec l’Océan ?
Lorsque j’étais en Papouasie-Nouvelle-Guinée, je faisais de la plongée (avec masque et tuba) et j’ai été emportée par un fort courant. J’ai eu très peur, je me suis rapidement retrouvée loin des autres plongeurs.
Puis un groupe de grandes raies manta m’a entourée, et je ne sais comment, elles m’ont accompagnée à contre-courant jusqu’au récif où se trouvaient les autres plongeurs. C’était comme si elles avaient amorti le courant qui m’avait emportée, pour me guider et me ramener en arrière.
C’était un moment extraordinaire qui m’a énormément marquée. Je n’ai pas pu en parler pendant des semaines. Ce moment a vraiment changé ma perception des êtres vivant dans l’Océan, et de leur intelligence. C’était comme si je découvrais un nouveau monde. Ces raies manta m’ont probablement sauvée la vie.
Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler pour la préservation de l’Océan ? Quel a été le point de départ ?
C’était comme une histoire d’amour pour laquelle il n’y a pas d’échappatoire… comme si sa propre vie manque douloureusement de sens, en l’absence de ce lien. Vous savez que vous aimez l’Océan, que l’Océan est important pour toute vie sur Terre, et que les organismes de la mer ont le droit de vivre. Alors, vous vous rendez compte que le monde de l’Océan, les êtres qui y vivent, sont comme une famille et méritent que l’on se batte pour eux. Vous sentez que vous êtes à la bonne place, vous voulez travailler pour tout cela, pour ce que vous aimez ; vous sentez que les besoins du monde s’y entrecroisent. C’est comme tomber amoureux d’une personne, et lui consacrer sa vie. Quelle vie pourriez-vous avoir sans elle ? Vous savez que vous avez besoin d’être avec elle. C’est beau et simple à la fois.
Comment gardez-vous espoir et restez-vous inspirée pour continuer à travailler pour ces sujets, quand tant de menaces pèsent sur l’Océan ? Ne vous sentez-vous jamais découragée ?
Je repense aux personnes qui sont devenues des modèles dans l’histoire, des personnes qui ont fait ce qu’il fallait faire même si elles savaient que les chances de réussir étaient faibles.
Rétrospectivement, on réalise que ces personnes étaient l’espoir, transmettaient l’espoir. Alors, je me dis à moi-même : « Fais ce que tu dois faire. » Je pense qu’il s’agit juste de trouver d’autres personnes qui pensent comme vous, et de travailler ensemble. C’est ce sentiment d’appartenance, de camaraderie et de connexion qui me permet de continuer…
Propos recueillis par Elizabeth Stephenson, Directrice du Marine Conservation Action Fund (MCAF) au New England Aquarium, à Boston aux Etats-Unis.
*Foreword Reviews Book of the Year Silver Award and the Independent Publisher Silver Book Award