La pêche électrique fait débat. Réglementation, dérogation et révision ont alimenté les discussions et les mobilisations depuis plusieurs années. Bien qu’ayant quelques avantages, cette technique de pêche peut avoir des conséquences dramatiques sur l’environnement. La communauté scientifique applique le principe de précaution en attendant l’évaluation des impacts de cette pêche. Côté français, l’interdiction est en vigueur dans ses eaux depuis août 2019.
Qu’est-ce que la pêche électrique ?
La pêche électrique consiste à envoyer de légères décharges dans l’eau afin de faire « sursauter » les poissons enfouis dans le sable. Ils sont plus facilement capturés dans le filet tout en évitant de racler les fonds marins avec des engins lourds pour les débusquer.
Cette pratique a été interdite depuis 1998 par l’Union européenne (UE). Elle est également interdite aux Etats-Unis, en Chine ou encore au Brésil.
2007 : une dérogation européenne à titre expérimental
En 2007, la pêche électrique a de nouveau été autorisée à titre expérimental par l’UE en mer du Nord pour les chaluts à perche à hauteur de 5 % de la flotte de chaque pays membres. Les Pays-Bas et la Belgique ont ainsi équipé leurs bateaux afin de développer et tester en milieu réel cette méthode de pêche.
Révision de la réglementation en 2017 suscitant une forte mobilisation
La Commission pêche du Parlement européen, réunie afin de faire évoluer cette réglementation à la demande des Pays-Bas, a voté le 21 novembre 2017 en faveur d’un développement de la pêche électrique en Europe proposant d’établir un seuil de 5 % de pêche électrique pour tous les types de pêche, (et non plus seulement pour les chaluts à perche) dans toutes les eaux européennes (et non plus seulement en mer du Nord). De surcroît, au bout de quatre ans, la limite de 5 % pourrait être levée, si des études n’ont pas démontré un effet délétère pour les écosystèmes.
Le texte a été examiné en séance plénière par le Parlement européen le 16 janvier 2018. Les députés ont rejeté totalement cette pratique de pêche (vote de 402 voix favorables contre 232 contre et 40 abstentions) suite à une mobilisation massive des professionnels de la filière et de l’association environnementale Bloom.
Le 16 avril 2019, le Parlement européen a voté massivement pour l’interdiction de la pêche électrique, qui prendra effet au 1er juillet 2021. La France a d’ores et déjà interdit cette pratique dans ses eaux depuis août 2019.
En octobre 2019, les Pays-Bas ont déposé un recours devant la cour de justice de l’Union Européenne, estimant que cette décision n’avait pas été prise sur base des meilleurs avis scientifiques disponibles, et qu’elle entravait le développement et l’innovation technologique. Ce recours a été rejeté le 15 avril 2021.
Pourquoi la réglementation n’est-elle pas respectée ?
La réglementation en vigueur depuis 2007 autorise la pêche électrique uniquement sur dérogation et sur la base de 5 % d’une flottille. En octobre 2017, les Pays-Bas sont accusés par l’association Bloom d’avoir déposé près de 70 dérogations pour équiper ainsi plus de 5 % de leur flotte.
En octobre 2020, Bloom lance l’initiative #JePortePlainte qui vise à encourager les citoyens européens à porter plainte auprès de la Commission européenne afin d’exiger des sanctions à l’encontre des Pays-Bas. De plus, Bloom réclame le remboursement de 21,5 millions d’euros de subventions qui ont servi à soutenir le développement de la pêche électrique.
Quels sont les avantages de la pêche électrique ?
Cette technique utilisée pour les poissons enfouis dans les sédiments, telle que la sole, permet, en envoyant de légères décharges électriques, de débusquer les poissons sans avoir à racler le fond des océans. Les chaluts à perche, utilisés majoritairement en mer du Nord, ont en effet un impact environnemental très néfastes sur les fonds marins à l’heure actuelle et l’équipement électrique permet de réduire cet impact.
L’utilisation de cette technique permet également de réduire la consommation de carburant des navires de pêche par deux.
Quels sont les inconvénients de la pêche électrique ?
L’impulsion électrique utilisée dans le milieu marin pourrait avoir des impacts irréversibles sur la faune marine, en particulier sur les juvéniles et larves de poisson. Elle entraîne également des blessures sur les poissons pêchés.
Les scientifiques des pêches en Europe, siégeant au sein du CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer) mettent en avant le principe de précaution et poursuivent leurs travaux pour évaluer l’impact à long terme de la pêche électrique sur les écosystèmes marins. Ils estiment que l’utilisation d’engins de pêche électriques est potentiellement dommageable à l’environnement et nécessite des recherches pour évaluer les impacts sur les espèces ciblées et non ciblées, ainsi que sur l’écosystème associé. Le CIEM recommande de ne pas étendre l’utilisation du chalut à perche électrique en dehors des zones et des pêcheries actuellement autorisées.
Pourquoi se positionner contre la pêche électrique ?
- L’envoi de charges électriques dans l’eau pourrait avoir des conséquences dramatiques et irréversibles sur l’écosystème.
- La perte de biodiversité entraînerait une chute des captures de pêche sur le long terme.
- Par respect du principe de précaution scientifique car il n’y a pas de consensus scientifique sur les impacts de la pêche électrique.
- Trop d’incertitudes persistent sur les effets de cette technique sur l’environnement.
- Il faut privilégier les techniques de pêche ayant un impact minimal sur l’environnement (techniques passives).